Arts d'Afrique, d'Amérique, d'Asie du Sud-est et d'Océanie
Marie-Christine Valluet
Dès l’aube du XXe siècle, dans une période bouillonnante où l’art connaît un bouleversement sans précédent, l’Occident, et singulièrement la France, pose son regard sur des cultures lointaines dont les civilisations sont alors méconnues. Des artistes en pleine révolution des normes voient dans les créations de ces cultures des formes « nouvelles » qui les inspirent. Parallèlement, des amateurs d’art, des critiques, des poètes et des marchands, dans une sorte d’empathie esthétique, se passionnent pour la beauté intrinsèque de ces objets qui arrivent alors en grand nombre, rapportés par des militaires en poste, des missionnaires ou des coloniaux. L’extraordinaire expressivité liée à l’harmonie de leur forme pour les plus belles de ces œuvres les bouleverse. Guillaume Apollinaire (mort en 1918), au sujet de l’art africain, parle des « principes même du grand art ». Ce grand art correspond à des périodes de création qui se situent très souvent au XIXe siècle, mais aussi, pour de nombreuses cultures, bien antérieurement.
Il est question ici de cette reconnaissance essentielle des cultures non européennes dans l’art mondial et de la perception du beau à travers « l’œil » de grands amateurs, amoureux des arts premiers. Quelques-uns sont présentés ici, avec en regard des œuvres qu’ils ont patiemment sélectionnées, avec exigence et passion, et qui sont aujourd’hui célèbres et considérées comme des « icônes ».
En référence à ces grands amateurs, beaucoup d’œuvres de haut niveau artistique sont reproduites dans les deux premiers chapitres, qui mettent en évidence le génie particulier de peuples dont seuls témoignent désormais les arts plastiques, en l’absence d’écriture. Parmi ces œuvres, beaucoup sont inédites ou rarement publiées. Les arts d’Afrique, d’Océanie, d’Amérique et d’Asie du Sud-Est sont représentés, témoignant de l’extrême variété des figurations artistiques dans ces quatre parties du monde, figurations artistiques qui ont en commun la force de leur expressivité.
Certaines cultures ont été découvertes et appréciées en Occident dès le début du XXe siècle. Pour d’autres, la période de l’après-guerre verra des voyageurs français, un peu aventuriers, partir dès 1950 à la recherche d’œuvres qui vont parfois surprendre ou enthousiasmer les collectionneurs. L’histoire des arts primitifs en France et celle de ses acteurs, collectionneurs et marchands, sont présentées dans cet ouvrage sur une période d’environ quatre-vingts ans. Jamais une telle enquête n’avait été menée, en particulier sur la période de l’après-guerre, dont certains protagonistes sont maintenant presque oubliés.
Ce livre a l’originalité de présenter une double lecture sur l’art de collectionner, à la fois esthétique et historique.
Christine Valluet, spécialiste des arts premiers depuis le début des années 1970 (Afrique, Océanie, Asie du Sud-Est, Amérique du Nord), a été galeriste à Paris jusqu’en 2013. Elle est membre de la Compagnie Nationale des Experts depuis 1986. Nommée experte près la Cour d’appel de Paris de 2010 à 2016, elle apporte toujours son expertise lors de nombreuses ventes publiques, dont les ventes prestigieuses de la collection Gaston de Havenon, en 1994, et de la collection B.H. (Bela Hein), en 2005. Elle est également membre de comités d’acceptation des œuvres pour différents salons et a contribué à un grand nombre de publications dans le domaine des arts primitifs.